Jacinthes des bois - Bois du Bailly à Braine-le-Château...
Eh oui, ce n'est pas Halle mais ne le répétez pas surtout
Six ans ont donc passés depuis ma dernière visite à Durbuy. Six ans pendant lesquelles j’ai suivi distraitement dans la presse le débarquement, en force depuis deux ans, de Marc Coucke et compagnies… financières.
Vu de chez moi, à une heure et demi de route de Durbuy, je me disais en feuilletant L’Écho de la Bourse : « 110 millions investis à Durbuy pour y installer un Coucke Land. Bof ! pourquoi pas ? Ça ne peut être que bénéfique ! ». Si j’entends bien les explications de l’intéressé, tout sera fait dans la perspective première (et quasi exclusive) de constituer un apport désintéressé à la ville et à ses habitants : finances, emplois, tourisme, conditions de vie, protection de la nature, développement des arts, de l’habitat, de la santé, de la culture, des sports, etc. etc.
Il y a quelques jours encore, je lisais que Marc Coucke déclarait annuler son projet d’une piste de ski à Durbuy « parce que ce serait trop destructeur pour la nature ». Il remet son projet de piste désormais… indoor… à 5 ans. On ne peut qu’acquiescer à une telle décision. Même si on sait que l’idée d’une piste de ski est vieille de plusieurs années et que dans l’intervalle Marc Coucke a acheté Snoworld qui gère des pistes de ski… indoor. Opportunisme ou réel respect de l’environnement ? La vérité est sans doute dans la réponse à la question triviale « À qui profite le crime ? ». Dans l’intervalle, ayez la curiosité d’aller jeter un coup d’œil sur le site web « snoworld.com » pour avoir une idée objective de ce que pourrait être le ski à Durbuy.
Pourtant, c’est vraiment difficile de déceler une ombre au tableau. C’est une pure œuvre de facture impressionniste où la philanthropie se dispute l’éclairage aveuglant de l’intérêt public. J’aurais même osé qualifier le projet général, s’il existe, et sans en connaître la résonnance locale, de « petite merveille ».
J’ai aussi regardé plusieurs présentations télévisées du « projet ».
Dans ses exposés, Marc Coucke expliquait, avec une exubérance et un enthousiasme qui forçaient la conviction du parterre de journalistes qu’il subjuguait, qu’il était tombé amoureux de Durbuy le premier jour où il y avait mis les pieds, qu’il avait immédiatement été envoûté par la beauté des lieux et qu’il s’était promis d’en faire un endroit que le monde entier pourrait visiter. Comme je comprends ce coup de foudre. Sans doute le même que celui que j’ai eu quarante ans avant lui.
Mais ne soyons pas dupes. Dans l’un de ces reportages, les journalistes étaient religieusement assis dans un bus et le maître de céans présidait à la visite (très) guidée du propriétaire. C’est de bonne guerre. La suite du programme (non filmée) était, je ne peux en douter, une dégustation de premier choix au Sanglier Des Ardennes ou dans un autre établissement régional de bonne table. Et dans la presse du lendemain, chacun a ânonné ce qu’il avait certainement lu sur le petit feuillet glacé de présentation qui lui a certainement été remis. Un « dossier de presse » que ça s’appelle. RTBF, RTL-TVI, La dernière heure ou encore le très sérieux L’Écho de la Bourse et les autres, en Flandre et ailleurs. Tous en cœur les mêmes mots. C’est comme cela que ça se passe : plutôt que de faire une publicité aux résultats aléatoires, on s’organise pour obtenir du « rédactionnel ». Rien de répréhensible dans tout cela.
N’empêche, in fine, peut-on vraiment s’opposer à une aussi louable intention que celle de vouloir faire partager son amour d’une ville par le monde entier ? Peut-on réellement interdire au monde entier de venir à Durbuy ? D’autant plus quand on en connait le charme et qu’on voudrait le partager avec le plus grand nombre ? Bon sang ! on vient bien du Japon pour voir les jacinthes dans le bois de Halle et ça ne se passe si mal que ça, après tout ! Quoique… quoique… les jacinthes c’est 2 week-ends par an… et peut-être quelques dizaines de milliers de visiteurs.
Puisqu’il est quand même question de… beaucoup d’argent, convenons-en, j’avais même une sérieuse propension à encore croire à une certaine forme de mécénas en me disant : « Que représentent 110 millions d’euros quand on a une cassette personnelle de 1 milliard trois cents millions d’euros dont il faut assurer le placement et, accessoirement, la rentabilité ? ».
Eh bien oui, soyons de bon compte, que l’on soit d’accord ou non avec leurs choix artistiques est une autre question mais des Caius Maecenas, des famille Médicis, Peggy Guggenheim, Ariane de Rothschild, Pierre Cardin ou Yves Saint Laurent et d’autres ont existé et ont fait preuve de désintérêt. Même Bill Gates ou Mark Zuckerberg y mettent de leurs poches. Alors, à notre échelle belge, pourquoi pas 8.5 % de la 1 415ème fortune mondiale (selon le magazine Forbes de mars 2015) au profit d’une ville, quand on en est tombé amoureux ?
Même à Durbuy on devrait savoir que « Quand on aime on ne compte pas ».
Et puis il y avait aussi Marc Coucke, l’homme, posant devant le logo d’une de ses sociétés avec le slogan « We invest in you ». « Le poids des mots, le choc des photos » en quelques sortes. En bref, un modèle de « com » comme on dit aujourd’hui pour diffuser un message de croyance en l’homme, reproduit benoitement par tous les médias impressionnés par la vue du veau d’or.
Ça, c’est l’opinion que je m’étais faite, confortablement installé dans mon salon et derrière l’écran de mon ordinateur. Rien de tout cela ne me dérangeait vraiment. Alors ! pourquoi pas ?