À Durbuy, chaque pas découvre d'autres paysages fabuleux.
Alors, je suis rentré chez moi et à tête reposée j’ai essayé d’y voir un peu plus clair et de dresser une ébauche d’inventaire. Oh, bien imprécis j’en conviens.
Ça donne à peu près ceci.
Des centaines d’hectares de Durbuy et environs ont été achetés par Marc Coucke et cela continue. L’énumération serait longue, fastidieuse et certainement incomplète mais où que vous soyez dans Durbuy, où que vous regardiez, quand vous posez la question « à qui appartient ça ? », la réponse est invariablement la même : « à Marc Coucke ». Les projets d’installations, en cours de réalisation ou futurs, couvrent absolument tous les domaines : tourisme et HoReCa dans leurs sens les plus étendus, culturels (salle de spectacle, musée), environnements de travail bureau-loisir, infrastructures de transport. Et j’en oublie. Ce que vous n’avez pas encore imaginé, Marc Coucke l’a déjà fait … dit-on… À voir.
Derrière, le brasier couve.
Certains disent que tout cela sera profitable à tous. D’autres se sont engagés dans un combat inégal de David contre Goliath pour essayer d’humaniser ce projet fort imprécis mais qui s’avère être mégalomaniaque et mortel pour la ville à échéance plus proche qu’on ne le suppose. Mais que peuvent faire beaucoup de bonne volonté et quelques milliers d’euros face à 110 millions d’euros qui ont su conquérir les sympathies et les appuis de tous bords ?
Certains disent que des emplois se perdent chaque jour. D’autres disent que Marc Coucke crée et créera des emplois. On peut le croire parce qu’il en faudra du monde pour accueillir et servir trois millions et demi de visiteurs par an !
Certains disent que les petits commerces ferment et que les petits artisans disparaissent. D’autres disent que Marc Coucke rachète toutes les maisons de la vieille ville et y réinstallera des artisans. Moi, je veux bien l’imaginer. Il collabore déjà avec succès dans un autre projet de même type. Eh oui, je veux bien concevoir que pour des cohortes de touristes chinois, il n’y aura pas de différence entre un pseudo cordonnier ou sabotier durbuysien aux yeux bridés et habillé d’un sarreau bleu, installé sur la devanture d’une boutique à Durbuy, mimant pour la 347 693ème fois le ressemelage de la même paire de chaussures et les pandas de Pairi Daiza : tout, le cordonnier, la chaussure et même le sarreau bleu typiquement local seront « Made in China » puisque la véritable tradition artisanale de la ville a déjà disparu. Les artisans de Durbuy seront les pandas d’un Pairi Daiza humain. La seule différence restera occulte et financière : Marc Coucke possède 50 % de Pairi Daiza mais il possèdera 100 % de Durbuy. Même les habitants qu’il lui plaira d’y installer, fussent-ils des chinois ou des pandas.
La confrontation des chiffres et des idées apparaît tellement déphasée !
Les uns et les autres vivent et comptabilisent dans des mondes différents qui ne se rejoignent pas. Hermétiquement séparés. Voire, qui divergent de plus en plus. Et c’est l’absorption ou la mort.
Les uns parlent d’un monde où on additionne quelques euros, quelques emplois, quelques arbres, quelques prairies, quelques vaches et quelques Triple Durboyse, quelques tentes et quelques caravanes. Les autres parlent d’un autre monde où on additionne des centaines d’hectares, des milliers de mètres carrés de surface exploitable, des millions de visiteurs et les millions de repas à fournir, repas trois étoiles dans des barquettes plastique accompagnés de milliers d’hectolitres de vins de grands crus pour visiteurs exigeants, des milliers d’attentions particulières pour des privilégiés d’un « Glamping » cinq étoiles et les milliards d’euros qui vont avec.
Les uns pensent finances pour la fin du mois, les autres pensent finances et retour sur investissements à cinq, dix ou vingt ans.
Où deux mondes aussi différents peuvent-ils se rencontrer pour cohabiter humainement, coincés au fond d’une étroite vallée de quelques kilomètres de long ? C’est toute la question. C’est la seule question pertinente à Durbuy.
Tout cela amène quand même à se poser la question de l’honnêteté des déclarations des adeptes d’un projet d’installation « désintéressée » d’un Coucke-Disney Land à Durbuy.
Préalablement, je voudrais néanmoins bien préciser que l’honnêteté dont il est question ici n’a aucune connotation morale. Les considérations de morale et de moralité sont un autre débat. Je sais que je risque de heurter mais, ici, je parle seulement de ce qui est dit et de le confronter à ce qui est fait. Il n’est certainement pas question de critiquer un homme, pas plus que la moralité ou l’immoralité de ses intentions ou de ses procédés. Je ne connais pas Marc Coucke, pas plus que Bart Maertens. Nous ne nous sommes jamais croisés et ils ne m’ont jamais agressé. Je ne m’estime aucun droit de les juger. Pour moi, ce sont de simples noms d’hommes riches et influents, aux projets ambitieux et envahissants pour certains. À Durbuy comme à Ostende mais aussi à Zoetermeer, Landgraaf, Paris, Milan ou Barcelone. Hélas, qu’on le veuille ou non, si on s’interroge sur Durbuy, on ne peut les ignorer. Eux et d’autres qui sont les acteurs du projet.
J’ai le privilège d’avoir aussi comme voisin immédiat « Le Pilori » de Braine-le-Château, témoignage unique en Europe de l’exercice de la « Haute Justice ». Il me rappelle chaque jour que je le vois que je suis opposé à toute forme de vindicte populaire, pratique de temps féodaux révolus.
Par ailleurs je ne peux pas non plus les ignorer parce que personne ne pourrait prétendre que Marc Coucke ne lancera pas demain une O.P.A. hostile sur Braine-le-Château. Qui dit qu’il ne voudra pas, demain, installer une piste de ski à une encablure de Bruxelles, à 500 mètres derrière chez moi, là où il y a un superbe dénivelé naturel de 70 mètres ? Pas fier que je serais alors, moi, de m’être tu aujourd’hui.
Je pense donc qu’il serait coupable de fermer les yeux et de refuser de se poser des questions assurément dérangeantes mais légitimes dès lors que l’on est entraîné dans une aventure dont la direction vous échappe.
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